Bref historique du Rockhill

45 années de prestige (1966-2011)

Conçu par les architectes Webb, Zerafa et Menkès à l’époque de l’entrée résolue du Québec dans la modernité – création de la Caisse de dépôt et de placement (1965), ouverture du métro de Montréal (1966), Terre des Hommes (1967), Habitat-67, Pont-Tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine (1967), Manic-5 (1968), RAMQ (1969), UQAM (1969) – le projet de construction du complexe Rockhill s’achève juste à temps pour l’Expo67.

le complexe d’appartements Rockhill se voulait, aux yeux de ses promoteurs, une réponse à la banlieue où l’on retrouve tous les services et les innovations imaginables qui participent au confort et à la qualité de vie. Les architectes ont voulu traduire cette idée principale en regroupant en sous-sol différents services – stationnements, commerces et centre récréatif – pour créer un vaste espace collectif et, surtout, exempt de véhicules. Le Rockhill évoque donc les grands projets d’urbanisme sur dalle européens, un urbanisme non plus à deux, mais à trois dimensions, selon lequel on planifie différentes fonctions sur plusieurs niveaux.

Ville de Montréal

Le complexe se dresse à flanc de montagne dans une enclave nommée l’Entre-Mont, en plein coeur du site patrimonial du Mont-Royal, à seulement quelques minutes à pied de la route Remembrance qui traverse la montagne, passant par le lac aux Castors et la maison Smith en chemin.

Il comprend une terrasse intérieure qui « établit par sa localisation et son caractère artificiel un lien intéressant entre une nature monumentale, la montagne, et un paysage pastoral, la plaine du cimetière. »

Les grandes baies vitrées ouvrent les appartements sur la lumière du jour et le scintillement de la nuit. Les locataires des étages supérieurs bénéficient d’une vue imprenable vers le fleuve Saint-Laurent, la Rivière-des-Prairies, l’Oratoire Saint-Joseph ou le cimetière du Mont-Royal: les fenêtres font le tour de chacun des six édifices du complexe.

Comme à l’Expo, des gens de partout dans le monde se voisinent dans ce que le premier propriétaire décrit comme « A New Concept In Community Living ». À deux pas du parc Jean-Brillant, c'est un endroit parfait pour les familles, les adeptes de sport en plein air et les mélomanes.

L’édition de décembre 1968 de la revue ABC – Architecture, Bâtiment, Construction – donne son appréciation des lieux:

Caisse de dépôt et de placement (2011-2019)

Comme toutes les constructions massives en béton armé de ce temps-là, les édifices du complexe Rockhill ont toujours eu besoin de beaucoup d’amour. Du premier propriétaire, Manucape Holdings Ltd jusqu’au propriétaire actuel, Minto Apartment LP, les gardiens de ce patrimoine se sont succédés, avec plus ou moins de bonheur.

Les plus gros problèmes commencent en 2011. Le Manufacturers’ Life Insurance Co., incorporée depuis 1887 par décret parlementaire du Dominion du Canada, vend le complexe immobilier au « bas de laine des Québécois », la Caisse de Dépôt et Placement du Québec.

Celle-ci entame bientôt des travaux d’envergure qui s’échelonneront sur cinq années (2013-2018).

[La] Caisse a investi 20M$ pour redonner du lustre aux lieux. La démarche permit à Ivanhoe Cambridge de hausser les loyers, ce faisant, de 17% entre 2013 et 2018

Martin Jolicoeur, La Caisse vend le Rockhill pour 268M$, Les Affaires, 10/05/2019

Les locataires de l’époque ont payé cher ces travaux majeurs, tant en termes de qualité de vie qu’en coûts de location. Quelques centaines d’entre eux ont contesté l’augmentation faramineuse de leurs loyers durant ces cinq années. Depuis 7 ans, ils attendent encore un règlement de leur dossier au Tribunal Administratif du Logement.

Toutefois, malgré les nuisances vécues par les locataires, les ressources consacrées par la Caisse pour revitaliser le Rockhill, en concertation avec les différents acteurs concernés par ce site à valeur patrimoniale, lui ont donné un nouveau souffle:

[…] comme le Rockhill fait partie d’un territoire régi par une réglementation du ministère de la Culture, l’équipe de Sid Lee Architecture devait respecter plusieurs étapes pour obtenir l’approbation de toutes les parties concernées, ce qui a été rendu possible grâce à une étroite collaboration avec les différents intervenants.

La deuxième vie du Rockhill, Inno Magazine

Une fois les travaux achevés, la vente des appartements Rockhill à des intérêts ontariens a permis au « bas de laine des Québécois » d’obtenir un retour substantiel sur son investissement, aux dépens des bas de laine des locataires.

Groupe Minto propriétaire (depuis 2019)

À la fin de 2019, le groupe ontarien Minto Apartment LP ajoute le complexe Rockhill à son portefeuille immobilier déjà bien garni. Il s’agit de la première d’une série d’acquisitions à Montréal. Comme de plus en plus d’acteurs corporatifs dans le marché immobilier montréalais, la mission de Minto est simple et le calcul éprouvé: obtenir le meilleur rendement possible pour ses actionnaires en maximisant les revenus et en minimisant les coûts d’exploitation.

Or, loin des assemblées d’actionnaires et des gestionnaires de portefeuilles, dans le monde réel, les résultats sont accablants pour les êtres humains qui vivent au Rockhill: détérioration accélérée de leur milieu de vie, quasi impossibilité de communiquer avec d’autres êtres humains pour résoudre des problèmes locatifs, gestion négligente au point d’induire des inquiétudes sérieuses quant à la santé et à la sécurité des résidents.

J’ai l’impression de vivre dans un pays du tiers monde

Avis laissé par une locataire sur la page Google du Rockhill, printemps 2023

Est-il nécessairement contradictoire d’obtenir un bon rendement pour les actionnaires du Groupe Minto et, en même temps, de traiter les locataires avec dignité, dans le respect de leur droit à la jouissance paisible de leur appartement ?

Pour le moment, les droits des locataires semblent être le cadet des soucis de l’administration montréalaise qui, ayant perdu de vue qu’ils sont principale source de revenus pour le Groupe Minto, adopte une attitude à la fois négligente et conflictuelle envers eux.

De vraies personnes vivent ici. Elles sont en droit de s’attendre aux services qui leurs sont dus.